Rétrospective des dernières lois de financement de la sécurité sociale (2017-2022)
Fiscalité du médicament
La fiscalité des produits de santé en France a connu de nombreux changements ces dernières années : elle s’inscrit dans une régulation financière toujours plus renforcée pour permettre la soutenabilité des dépenses de santé par l’Assurance maladie. Applicable en sus du droit fiscal commun, elle représente un poids considérable pour les entreprises pharmaceutiques implémentées en France – dont la pression fiscale est parmi les plus élevées d’Europe.
Introduction
La fiscalité des produits de santé et des industries pharmaceutiques en France constitue une situation singulière en Europe. Cette fiscalité – spécifique et applicable en sus du droit fiscal commun – s’inscrit dans un cadre de régulation financière à trois niveaux :
- La fixation du prix des produits de santé, avec un prix administré et faisant l’objet de négociations entre le laboratoire et le Comité Economique des Produits de Santé (CEPS) (voir module « Les mécanismes de tarification et de régulation des prix par le CEPS ») ;
- Les remises conventionnelles sur le prix (hors clause de sauvegarde) dues par les laboratoires (voir module « Les mécanismes de tarification et de régulation des prix par le CEPS ») ;
- La fiscalité spécifique à l’industrie des produits de santé.
Cette fiscalité spécifique regroupe un ensemble de 8 taxes principales – dont 5 concernent le médicament – réparties en 3 grandes catégories : les taxes à vocation de rendement, les taxes de régulation et les taxes assimilables à des contreparties de services administratifs.
Les taxes de rendement
Les taxes à vocation de rendement représentent la majorité des taxes comprises dans la fiscalité spécifique aux produits de santé. Deux taxes concernant le médicament s’inscrivent dans cet objectif :
1. La contribution sur le chiffre d’affaires (art. L-245-6 du CSS) se décompose en deux parties : une contribution dite « de base » et une contribution additionnelle – différant par l’assiette et le taux de contribution – instituées au profit de l’Assurance maladie.
Assiette de contribution
Dans les deux cas, l’assiette s’applique sur un chiffre d’affaires (CA) réalisé sur une année (du 1er janvier au 31 décembre de l’année N-1) en France métropolitaine et dans les départements d’Outre-mer, par les entreprises au titre des médicaments bénéficiant d’un enregistrement, d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) nationale ou d’une AMM délivrée par l’Union européenne, duquel doit être déduit le CA correspondant aux :
- spécialités génériques, hormis celles qui sont remboursées sur la base d’un tarif fixé en application de l’article L. 162-16 du CSS ou celles pour lesquelles, en l’absence de tarif forfaitaire de responsabilité, le prix de vente au public des spécialités de référence est identique à celui des autres spécialités appartenant au même groupe générique) ;
- médicaments orphelins (sous réserve que le CA remboursable ne soit pas supérieur à 20 M€) ;
- médicaments dérivés du sang sous certaines conditions.
Néanmoins, l’assiette de la contribution dite « de base » concerne le chiffre d’affaires hors taxes (CAHT) relatif aux spécialités pharmaceutiques, que celles-ci soient ou non remboursables et/ou prises en charge par l’Assurance maladie. Tandis que l’assiette de la contribution dite « additionnelle » est constituée par le CAHT relatif aux spécialités pharmaceutiques remboursables et/ou prises en charge par l’Assurance maladie, c’est-à-dire donnant lieu à remboursement par les caisses d’Assurance maladie ou inscrites sur la liste des médicaments agréés à l’usage des collectivités ou prises en charge au titre de l’article L162-16-5-1 du code de la Sécurité sociale (autorisation d’accès précoce) ou de l’article 62 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 (dispositif d’accès direct).
Taux de contribution
Les taux de contribution sont de respectivement de 0,20 % et de 1,6 % pour les contributions dites de « base » et « additionnelle ».
2. La taxe sur les dépenses de promotion des médicaments (art. L-245-1 du CSS), créée en 1983, visait initialement à modérer les actions de promotion des médicaments à l’attention du corps médical dans un objectif de maîtrise des prescriptions. Elle est due par les entreprises assurant l’exploitation, l’importation parallèle ou la distribution parallèle de spécialités pharmaceutiques remboursables ou agréées à l’usage des collectivités (y compris génériques, médicaments orphelins et médicaments dérivés du sang) pour lesquelles le CAHT réalisé au titre des spécialités comprises dans la contribution est ≥ 15 M€. A noter que les entreprises don’t le CAHT est < 15 M€ peuvent aussi être assujetties à la taxe si :
- l’entreprise est filiale à au moins 50 % d’une entreprise ou d’un groupe don’t le CAHT consolidé, réalisé en France métropolitaine et/ou dans les départements d’Outre-mer est > 15 M€ ;
l’entreprise possède au moins 50 % du capital d’une ou plusieurs entreprise(s) don’t le CA réalisé en France métropolitaine et/ou dans les départements d’Outre-mer, consolidé avec leur propre CAHT défini précédemment est >15 M€.
Assiette de contribution
L’assiette est déterminée en fonction du CAHT réalisé, des dépenses afférentes et des abattements divers. A noter qu’elle prend en compte les rémunérations de toutes nature des visiteurs médicaux (épargne salariale, charges sociales et fiscales...), des remboursement de leurs frais de transport / d’hébergement / de repas, des frais de publication, de congrès (comprenant les dépenses indirectes d’hébergement et de transport) et d’achats d’espaces publicitaires par rapport au CAHT de l’entreprise pour les médicaments concernés.
Taux de contribution
Le montant de la contribution se calcule à partir d’un barème de 4 tranches d’assiette auxquelles correspondent 4 taux de contribution différents – allant de 19 % à 39 %.
La taxe de régulation
3. La contribution au titre de la « clause de sauvegarde » ou « montant M » pour le médicament (art. L-138-10 du CSS) consiste en une contribution due par les entreprises dès lors que le CA net des médicaments remboursables de l’ensemble de ces entreprises, réalisé en France, dépasse un certain montant M défini en LFSS chaque année. Si les entreprises dépassent ce seuil autorisé, le déclenchement de ce mécanisme étant collectif, la contribution due est répartie au prorata du CA de chaque entreprise redevable (avec un taux de contribution variant entre 50 % et 70 % selon les tranches de dépassement).
Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter le module sur l'Objectif National des Dépenses d'Assurance Maladie (ONDAM).
Les taxes de contreparties de prestations administratives
4. Les droits d'enregistrement ANSM (art. 1635 bis AE du CGI) prévoient le paiement d’un droit au profit de l’Assurance maladie lorsqu’une entreprise pharmaceutique dépose certains types de dossier à l’ANSM – à savoir les demandes relatives à l’enregistrement des médicaments homéopathiques et des médicaments à base de plantes (demande d’enregistrement, de renouvellement ou de modification), les demandes relatives aux AMM, les demandes d’importation parallèle de médicaments et les demandes concernant les visas et les dépôts de publicité.
L’article prévoit, pour chaque type de dossier, un montant maximal de la contribution : 7 600 € pour les demandes portant sur des médicaments homéopathiques, 21 000 € pour celles portant sur les médicaments à base de plantes, 60 000 € pour les médicaments avec AMM et les demandes d’importation, et 1 200 € pour les demandes relatives à la publicité.
5. Les droits d'enregistrement HAS - médicaments (art. 1635 bis AF du CGI) s’appliquent à tous les laboratoires déposant à la HAS une demande d’inscription, de renouvellement d’inscription ou de modification d’inscription pour un médicament sur l’une des listes de remboursement. Le montant de cette taxe est fixé, dans la limite de 5 600 €, par arrêté des ministres chargés du budget, de la santé et de la Sécurité sociale. Le montant du droit perçu à l'occasion d'une demande de renouvellement d'inscription ou de modification d'inscription est fixé, dans les mêmes conditions, dans les limites respectives de 60 % et de 20 % du droit perçu pour une demande d'inscription.
Le poids de la fiscalité sur les industries de santé
La France est le pays d'Europe qui supporte la fiscalité sectorielle la plus lourde
Pour la septième édition depuis 2012, le cabinet PwC Société d’Avocats a réalisé en 2022, à la demande du LEEM, une étude de la fiscalité pesant sur les entreprises du secteur pharmaceutique. Cette étude chiffrée compare la charge globale d’impôts (charges générales et sectorielles) qui pèse sur les laboratoires pharmaceutiques en France et dans les principaux pays européens, en fonction des grands profils d‘entreprises du secteur. Parmi les sept pays inclus dans l’étude (France, Allemagne, Italie, Royaume-Uni, Irlande, Espagne, Suisse), la France présente toujours le taux d’impôt global le plus élevé, quels que soient les cas de figure et le profil d’entreprises retenus.
Vue d'ensemble des articles au cours des 5 dernières années
Focus sur les articles d'intérêt
Article 37 (LFSS pour 2021) et article 28 (LFSS pour 2022)
Ces articles ont successivement introduit deux mesures relevant le taux de « base » de la contribution sur le CAHT réalisé au titre des spécialités pharmaceutiques remboursables ou non remboursables d’un laboratoire de 0,17 % à 0,18 % en 2021 puis de 0,18 % à 0,20 % en 2022.
Le rendement supplémentaire engendré par ces majorations du taux visaient à augmenter la dotation de l’Assurance maladie à l’ANSM. Ces ressources supplémentaires devaient permettre de financer les moyens supplémentaires au sein de l’ANSM pour densifier et augmenter le nombre de projets de recherche et pour se mettre en conformité avec la législation européenne. Ces nouvelles ressources permettaient également de contribuer, au travers de l’ANSM, à l’augmentation du financement des Comités de Protection des Personnes (CPP) – notamment à revaloriser de nouveau l’indemnisation des membres de CPP rapporteurs de projets de recherche – afin de garantir la continuité de service qui leur incombe et de leur permettre d’accompagner l’augmentation du nombre de projets de recherche.
Les articles 37 de la LFSS pour 2021 et 28 de la LFSS pour 2022 s’inscrivaient donc dans un même objectif de financement de projets.
Article 38 (LFSS pour 2021)
Avant le 1er septembre 2021, le Gouvernement devait remettre au Parlement un rapport sur l’avenir de la clause de sauvegarde et des mécanismes actuels de soutenabilité des dépenses des médicaments face au développement des biothérapies. Le développement de ces produits interroge sur la capacité des mécanismes de régulation des dépenses de médicaments, comme la clause de sauvegarde votée en LFSS, à faire face au développement de ces thérapies innovantes sur le marché.
Ce rapport vise donc à étudier la capacité du mécanisme de clause de sauvegarde à assurer une régulation des dépenses de médicaments innovants, et à statuer sur les éventuelles évolutions de ce dispositif.
Acteurs mentionnés dans ce module
NO-FR-2400124-NP-Juin 2024