Rétrospective des dernières lois de financement de la sécurité sociale (2017-2022)

Accès au marché des innovations

 

Sous certaines conditions, la législation française prévoit l’accès à des traitements encore non autorisés ou non remboursés aux patients en situation d'impasse thérapeutique. Prévus par la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS), les dispositifs d’accès précoce et compassionnel sont venus remplacer, le 1er juillet 2021, les anciennes autorisations ou recommandations temporaires d’utilisation (ATU / RTU). Le législateur simplifie, modernise et confirme ainsi l'importance de ces voies dérogatoires d’accès au médicament et en assure la pérennité.

Les dispositifs dérogatoires visent à permettre un accès large et rapide des patients atteints de maladies graves, sans alternative thérapeutique, à de nouveaux médicaments, parfois avant leur autorisation de mise sur le marché (AMM), c'est-à-dire plusieurs mois voire plusieurs années avant que ces molécules ne soient accessibles dans le droit commun. En définitive, l’objectif est de faire bénéficier les patients, le plus tôt possible, dans des situations d'urgence vitale, d'une chance supplémentaire.

Historique des dispositifs dérogatoires en France

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Rappels sur le système des autorisations temporaires d'utilisation (ATU)

 

Lors de sa création en 1994, le dispositif des ATU prévoyait qu’un médicament puisse être mis à disposition des patients atteints de pathologies graves, souvent mortelles, en situation d'impasse thérapeutique, en amont de sa mise à disposition « de droit commun » - soit parfois plus d'un an avant la délivrance de l’AMM. Ainsi, le dispositif français des ATU avait acquis, depuis sa mise en place, un caractère unique et emblématique en Europe. Bien qu’ayant fait ses preuves et ayant permis à de nombreux patients de bénéficier d’un gain de chance considérable, ce dispositif a rencontré certaines limites, soulevant un besoin de repenser le dispositif pour le faire évoluer.

 

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Rapport d’information du Sénat n° 569 (2017-2018) « Médicaments innovants : consolider le modèle d’accès précoce français »

Trois principales difficultés avaient été identifiées par le Sénat dans son rapport :

●    L’exclusion du dispositif des extensions d’indication, qui constituaient en oncologie et en immunologie une grande partie des médicaments développés ;
●    La régulation financière extrêmement complexe du dispositif ;
●    Le manque de suivi en vie réelle de l’efficacité des produits.

 

LFSS pour 2021 : une réforme en profondeur de l’accès précoce

 

Les LFSS pour 2018 à 2020 ont instauré des mesures ne répondant que partiellement aux limites soulevées et complexifiant d’autant plus le système ATU. Ainsi, la LFSS pour 2021 a conduit à une refonte en profondeur du système existant – dorénavant remplacé par deux mécanismes d’accès dérogatoire :

  • L’accès précoce, qui vise les médicaments présumés innovants pour lesquels le laboratoire s’engage à déposer une demande d’AMM (AP pré-AMM) ou une demande d’inscription de remboursement de droit commun (AP post-AMM) ;
  • L’accès compassionnel, visant les médicaments qui ne sont pas destinés à obtenir une AMM dans l’indication, mais qui répondent de façon efficace à un besoin non couvert.

A noter que la Haute Autorité de Santé (HAS) est impliquée dans l’octroi des AP pré et post-AMM. L’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) est impliquée seulement dans l’octroi des AP pré-AMM. 

 

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Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter le module Précoce, compassionnel, quels accès dérogatoires pour les médicaments ?

 

Cette réforme totale du système de l’accès précoce offre une simplification des dispositifs d’accès dérogatoire. Elle s’accompagne d’un recueil des données en vie réelle et de données rapportées par les patients.

 

 

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LFSS pour 2022 : un pas de plus pour l'accès aux innovations via la création de l'expérimentation de l'accès direct

 

La LFSS pour 2022 a instauré un nouveau dispositif expérimental, l’accès direct, en complément des accès précoce et compassionnel. Ce dispositif a été créé afin d’accélérer les délais d’accès pour les médicaments ne rentrant pas dans les critères de ces accès dérogatoires, et s’inspire du modèle allemand issu de la loi AMNOG de 2011. Ce système doit permettre à des médicaments, sous certaines conditions, d’accéder directement au marché dès la publication de l’avis de la Commission de Transparence (CT) de la HAS. 

 

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L’autorisation d’accès direct est demandée par l’industriel exploitant le médicament, et est octroyée par les ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale. Les médicaments pouvant bénéficier d’un accès direct, dans une indication donnée, doivent répondre aux critères cumulatifs suivants :

 

 

 

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« Demande d’accès direct » : Le laboratoire doit déposer une demande de prise en charge auprès des ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale au plus tard un mois après la publication de l’avis de la CT de la HAS et dans la période des deux ans après le début de l’expérimentation.  

« Critères d’éligibilité » : Plusieurs critères d’éligibilité sont à respecter : un usage majoritairement hospitalier du médicament ; un SMR important ; une ASMR de niveau I à IV ; un coût dépassant au moins 30% le tarif du GHS. 

« Engagement du laboratoire » : Le laboratoire exploitant s’engage à assurer la continuité des traitements pendant toute la durée de l’accès, ainsi que pendant une durée minimale d’un an à compter de la date d’arrêt de prise en charge via ce dispositif d’accès direct.

 

 

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Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter le module sur l'Accès au marché d’un médicament : de l’évaluation à la fixation du prix.

 

L’expérimentation de ce dispositif doit durer 2 ans. L'ensemble des dispositions de ce régime expérimental doit être précisé par un décret et un arrêté. Par ailleurs, dans un délai de 21 mois à compter de la date de début de l’expérimentation, le Gouvernement devra adresser au Parlement un rapport sur l’évaluation du dispositif d’accès direct. Une concertation sur l’accès direct avec la Direction de la Sécurité sociale (DSS) est prévue en septembre 2022 pour un lancement d’ici la fin de l’année du dispositif en phase d’expérimentation.

Vue d’ensemble des articles au cours des 5 dernières années

 

 

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Focus sur les articles d’intérêt

 

Article 65 (LFSS pour 2019)

L’adoption de la LFSS 2019 poursuit l’objectif visant à renforcer le système français d’accès dérogatoires pour les médicaments, tout en assurant une meilleure collecte et analyse des données en vie réelle, et un contrôle financier accru. Les mesures adoptées ont été les suivantes :

  • Élargir le dispositif « post-ATU », faisant initialement suite à une ATU après l’obtention de l’AMM, aux médicaments ayant déjà une AMM et n’ayant pas pu bénéficier d’une ATU avant leur AMM ;
  • Élargir le dispositif d’ATU de cohorte aux extensions d’indications pour certains médicaments ;
  • Simplifier la négociation des prix des produits sous ATU – notamment la prise en charge temporaire des ATU d’extensions d’indication qui est basée sur le prix existant pour les autres indications autorisées, avec une indemnité nette confidentielle fixée par les ministres de la santé et de la Sécurité sociale ;
  • Instaurer une obligation pour le laboratoire d’assurer cette continuité des traitements même s’il retire sa demande d’inscription pour un remboursement de droit commun.

Article 44 (LFSS pour 2020)

L’article 44 de la LFSS pour 2020 avait vocation à assurer une meilleure soutenabilité financière du dispositif des ATU. En effet, le coût de ces dispositifs pour l’Assurance maladie dépassait le milliard d’euros par an, avec des négociations de prix à l’issue de la période d’ATU devenues complexes. Les mesures adoptées visaient à actionner plusieurs leviers : sécuriser le versement de remises à l’issue des ATU en assurant une communication auprès du laboratoire du montant prévisionnel de la prise en charge de droit commun, proposer une facilité de paiement des remises au titre de l’ATU pour le laboratoire, avec notamment la mise en place d’un calendrier de versement sur une période maximale de 2 ans, et mieux encadrer les ATU nominatives.

A noter que la LFSS pour 2020 a conduit à la mise en place d’une régulation financière ainsi qu’un suivi plus soutenu des produits sous ATU. Cette volonté a notamment été renforcée l’année suivante avec la réforme des accès précoce et compassionnel.

Article 78 (LFSS pour 2021)

Cet article de la LFSS pour 2021 a totalement repensé le système d’accès dérogatoires pour les médicaments innovants en France, en remplaçant les anciens dispositifs par deux nouveaux : l’accès précoce, pour les médicaments innovants en développement dans l’indication, et l’accès compassionnel pour les médicaments non nécessairement innovants et n’ayant pas vocation à être commercialisés dans l’indication mais qui répondent de façon satisfaisante à un besoin thérapeutique non couvert.

Article 62 (LFSS pour 2022)

La LFSS 2022 a introduit un nouveau dispositif expérimental, visant à compléter le système d’accès précoce et compassionnel mis en place l’année précédente : l’accès direct. Cet accès direct s’adresse aux médicaments, sous certaines conditions (notamment en terme de niveaux de SMR et d’ASMR qui seront précisés par décret), pour permettre aux patients de bénéficier du traitement dès la publication de l’avis de la Commission de Transparence (CT) de la HAS.

Ce dispositif expérimental doit être analysé 21 mois après sa mise en place pour étudier l’intérêt de le rendre pérenne.

 

 

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Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter le module Précoce, compassionnel, quels accès dérogatoires pour les médicaments ?

 

Acteurs mentionnés dans cet article

 


NO-FR-2400124-NP-Juin 2024